La France à la pointe des routes électriques

Baptisé eRoadMontBlanc, le projet de route électrique sur la RN205, en direction de Chamonix et de l’Italie, avance. Longue d’un kilomètre sur le réseau d’ATMB, son ouverture à la circulation dans les prochains mois marquera plusieurs premières mondiales par sa configuration et son environnement. Présentée lors du récent salon Drive to Zéro à Paris par Patrick Duprat, directeur de la compétitivité des infrastructures et de la R&D d’Alstom, elle sera exploitée «  à 1 000 m d’altitude avec une pente moyenne de 4 %. Les essais mettront également à l’épreuve l’interopérabilité avec trois types de véhicules soit un utilitaire, un autocar et un camion  ». La fiabilité du système sera testée avec plus de 200 passages prévus par jour.

Transfert d’énergie jusqu’à 500 kW !

Appelée APS pour Alimentation par le sol, la solution utilisée est développée par Alstom depuis plus de 20 ans pour alimenter les tramways. Elle a déjà permis de parcourir plus de 70 Mkm dans le monde ! Elle repose sur une piste d’alimentation électrique insérée dans la chaussée et affleurant au niveau du sol. Le véhicule se charge en roulant grâce à un bras articulé sous son châssis équipé de patins « frotteurs » qui se posent sur la piste d’alimentation. Avec ATMB et Alstom, le projet rassemble Pronergy, qui conçoit les capteurs de courant rétractables pour les véhicules légers et les utilitaires, et Greenmot. Cette société convertit le camion de 44 tonnes et le car en véhicules zéro émission équipés de l’architecture électrique pour s’alimenter au sol.

Centre d’essai Transpolis dans la plaine de l’Ain

UGE

Lauréat de l’appel à projets Mobilités routières automatisées, infrastructures de services connectées et bas carbone, l’eRoadMontBlanc a fait l’objet d’un démonstrateur sur la plateforme d’expérimentation Transpolis dans la plaine de l’Ain. Avec le concours de l’Université Gustave Eiffel (UGE), co-propriétaire du centre d’essai, cette première phase a permis de tester l’ensemble du système APS en conditions hivernales avec tous les véhicules et reliefs de route. A été vérifiée aussi l’efficacité du transfert d’énergie par contact pouvant atteindre 500 kW pour les poids lourds ! « La puissance transférable distingue et est un argument clé en faveur de la solution APS », souligne Patrick Duprat. En parallèle, un jumeau numérique a été développé par l’UGE pour simuler le système et optimiser le nombre d’infrastructures électriques à déployer.

Batteries 40 % du coût d’un camion

Autoroute électrique aménagée sur l’A10 à hauteur d’Angervilliers dans l’Essonne

Vinci

Plus médiatisée, une deuxième route électrique est entrée dans sa phase d’expérimentation en conditions réelles depuis ce printemps. Appelé « Charge as you drive », ce projet est mené sur l’autoroute A10 à hauteur de la commune d’Angervilliers dans l’Essonne. Il rassemble Vinci Construction, Electreon, Hutchinson et l’UGE avec le soutien de Bpifrance. Charge as you drive repose sur une technologie de recharge électrique au sol par induction. Alimentant les véhicules électriques de façon dynamique, il consiste à installer des bobines de cuivre sous l’enrobée de la chaussée. Lesquelles émettent un champ électromagnétique capté par les véhicules au moyen d’autres bobines embarquées qui le transforment en électricité pour alimenter le moteur et recharger les batteries en même temps. Plus d’1,5 km a été équipé ainsi et au moins quatre véhicules l’emprunteront jusqu’à fin 2025 : un poids lourd, un utilitaire, un véhicule léger et un autocar.
Au pied du Mont-Blanc ou dans l’Essonne, les routes électriques possèdent des atouts pour décarboner la mobilité routière, lourde en particulier. Les expérimentations déjà menées à travers le monde ont montré qu’elles limitaient le phénomène de pic de charge et surtout, réduisaient la taille et le poids des batteries embarquées. «  A peu près 40 % du coût d’un poids lourd électrique, ce sont ses batteries. Si on les réduit d’un facteur 2 ou 3, on diminue non seulement le coût du véhicule mais aussi son empreinte environnementale en limitant l’usage des matières premières et métaux rares  », explique Pierre Delaigue, directeur mobilité connectée, autonome et électrique chez Vinci Autoroutes.

40 Mds€ d’infrastructures

Une étude du ministère des Transports publiée fin 2021 a montré qu’un réseau de 8 850 km de routes électriques répondrait aux enjeux de décarbonation de la mobilité lourde en France. Un tel réseau permettrait aux véhicules de se trouver à 125 km d’une route électrifiée limitant ainsi la taille et le poids des batteries embarquées pour les parcourir. Le coût de son déploiement était estimé entre 30 et 40 Mds€ selon les technologies retenues. Il était jugé « finançable » sur le modèle des concessions autoroutières.
La reconnaissance par l’Union européenne du rôle des routes électriques pour décarboner la mobilité est un autre vœu formulé par les porteurs de projets afin de fixer un cap, voire choisir entre ses différentes technologies...