Le numéro 203 est en accès libre

Feuilletez gratuitement Stratégies Logistique 203 - octobre/novembre 2023.

En bref

Réindustrialisation : 201 ouvertures nettes de sites industriels en 2023, contre 176 en 2022

Le SITL 2024 a réuni 25 000 participants, une fréquentation en hausse de 16 %

Découvrez l'abonnement numérique

Accueil / Supply Chain

Covid-19 : un pilotage des supply-chains à réinventer

, par Sylvain Chanourdie

A l’invitation de l’Aslog, les responsables supply-chain de Groupe Rocher, LVMH, Michelin, Rexel et Schneider Electric ont tiré les premières leçons de la crise. Protéger les collaborateurs et la trésorerie sont les priorités de ces groupes industriels. De nouveaux modes de pilotage dans un environnement incertain se dessinent, réaffirmant le rôle clé de la supply-chain.

Alors que les supply-chains redémarrent doucement en Europe, le webinar organisé par l’Aslog le 5 mai « La Supply Chain face au Covid-19, visions croisées des grands acteurs de l’économie française », a ouvert les portes des cellules de crise de Groupe Rocher, LVMH, Michelin, Rexel et Schneider Electric. Le choc a été brutal dans ces grands groupes. Rexel par exemple a enregistré une baisse de 70% de ses ventes en Europe du Sud, Groupe Rocher a dû faire face à la fermeture de 95% de ses 6000 points de vente. La demande en chute libre conjuguée à des chaînes logistiques en mode dégradé ont bousculé l’organisation, les méthodes et outils des équipes supply-chain.

• Plus d’écoute et de collaboration
Dès le début de la crise, la supply-chain a joué à plein son rôle de coordination pour assurer la continuité et la reprise d’activité. Il s’est agi de « faciliter l’intelligence collective sur toutes les opérations », pour reprendre l’expression de Stéphanie Rott, supply chain and manufacturing group director de LVMH. Trois grands défis se sont rapidement dressés, à l’échelle mondiale de ces multinationales : s’adapter à une demande devenue imprévisible, faire redémarrer chaque maillon de la supply-chain et revoir en conséquence le mode de planification de la supply-chain. Les « conf calls » et comex se sont intensifiés pour partager les perceptions, les analyses et bâtir de nouveaux plans d’action.
Yann de Feraudy, Deputy CEO operations & IT de Groupe Rocher Groupe voit dans cette crise l’opportunité d’un retour de l’humain à plusieurs niveaux : « L’écoute de nos équipes, qui ont accompli un travail extraordinaire, a permis d’inventer un modèle de sécurisation des postes de travail. La collaboration avec les fournisseurs a pris une nouvelle dimension, par exemple avec Petit Bateau afin d’accélérer la fabrication de masques. Le dialogue entre clients et fournisseurs s’est aussi transformé dans la difficulté, certains de nos grands fournisseurs ont fait des gestes commerciaux. Cela laissera des marques ».

• Priorité à la réassurance sanitaire
Naturellement l’action prioritaire est de protéger la santé et la sécurité des collaborateurs, en interne aussi bien que chez les partenaires et clients. Une batterie de procédures et équipements sanitaires ont été mis en place. « Les éléments de sécurité et de réassurance sont le thème clé du redémarrage. Cela va nous permettre de revenir en capacité et avec bon niveau de productivité dans les semaines et mois à venir » souligne Stéphanie Rott. La prise de température à l’entrée des sites figure parmi le top 3 des mesures de réassurance des salariés du groupe de luxe. Les multinationales observent des différences entre pays par exemple sur le caractère obligatoire des masques et visières ou encore sur la perception d’un cas de Covid dans un entrepôt entre Europe du nord et Europe du sud.

• S&OP hebdomadaires
Deuxième grande priorité de ces groupes, la mise en œuvre d’un pilotage très réactif pour maîtriser au plus près les coûts et la trésorerie. La planification de la supply-chain évolue actuellement en terrain inconnu : « Il faut inventer de nouvelles routines pour piloter la supply-chain aujourd’hui. Nous sommes passé du mensuel à l’hebdo, voir bi-hebdo ou plus fréquent pour estimer les besoins et les forecasts » témoigne Stéphanie Rott. Chez Michelin, la direction prend des décisions majeures pour le groupe à partir d’un S&OP hebdomadaire qu’anime Pierre-Martin Huet, VP global supply chain : « Notre pilotage s’appuie sur les informations de chaque région consolidées au niveau groupe lors d’un S&OP hebdomadaire. Nous surveillons les tendances de vente journalières, les stocks, les scenarios de demande, de reprise des usines, l’impact sur les clients, etc. Il y a un besoin d’alignement colossal de la supply-chain entre les forces commerciales enthousiastes et des directions financières très préoccupées ».

• Gestion du cash avec les stocks
Alimenté par de fréquents S&OP, le pilotage du cash fait jouer le levier des stocks dans ces grands groupe. Main dans la main avec la direction financière, la supply-chain joue un rôle clé en la matière. Chez Michelin, le stock qui représente plus de 4 milliards d’euros est vu comme un réservoir de cash. « Nous pilotons une initiative de réduction des stocks assez importante » témoigne Pierre-Martin Huet.

• Renforcement du digital
Pour François Martin-Festa, VP digital customer experience - offer data, order and distributor experience de Schneider Electric, « cette crise est une opportunité pour les entreprises de repenser certaines priorités, à ce titre elles doivent se renforcer sur le digital. La supply-chain doit y contribuer, en particulier le digital facilite le lien avec les clients quand les infrastructures physiques sont fermées ». De fait, François Martin-Festa observe une explosion des visites via les plateformes digitales : « Nous recevons 23 fois plus de visites web que de prises de contact par email, téléphone et sur place. Même s’il est piloté par l’IT ou le marketing, le web est aussi une vitrine pour la supply-chain, qui peut proposer des informations de livraison, des services, voire bâtir des API pour enrichir le contenu vu par les clients. »
Même tendance chez Rexel : « La transformation digitale va se poursuivre durablement, explique Xavier Derycke, VP Supply-Chain Transformation Europe. La prise de conscience est forte, les commande via les webshops et l’EDI ont gagné
8 à 10% ».

Chez LVMH, les ventes s’appuieront davantage sur l’omnicanal : « L’agilité de l’e-commerce a apporté une réponse aux boutiques fermées, se félicite Stéphanie Rott. D’un e-commerce préparé en entrepôt, nous sommes passés par exemple à la préparation de commande depuis le stock de boutiques fermées. Le business d’après-crise sera plus omnicanal ».
Le digital c’est aussi les logiciels métiers capables d’alimenter les S&OP à partir des données de marchés et de la chaîne logistique. Les outils de business intelligence, de prévision-planification tournent à plein régime… avec des modèles inédits.

• S’accommoder d’un scénario de reprise inconnu
Reprise en V, en W, en L… personne n’a la réponse et il va falloir s’habituer à cette incertitude. « Le sujet n’est pas tant de trouver le scenario de reprise que tout le monde ignore que d’augmenter la résilience de nos supply-chains et l’agilité dans le pilotage » tranche Pierre-Martin Huet. Pour François Martin-Festa, la crise doit être mise à profit pour simplifier les processus et les pratiques : « Nous procédons à des arbitrages assez profonds de nos priorités et projets. Cette revisite des portefeuilles IT, des projets et des offres vise à faire plus simple afin de rebondir plus agile. » Yann de Feraudy, voit aussi la simplification comme une des leçons à tirer de la crise : « Nous devrons apprendre à nous simplifier. Notre réactivité et inventivité proviennent de la capacité à trouver des raccourcis. Une réflexion de fond sur la technologie devra aussi être menée, par exemple le tout automatique dans un entrepôt n’est pas forcément la meilleure solution pour être agiles demain. Il faut aussi réinterroger nos principes de supply-chains qui nous ont guidé ces 30 dernières années sur le sourcing lointain ».
Cette supply-chain agile, résiliente, digitale et aussi inscrite dans les démarches RSE engagées s’annonce comme le défi de l’immédiat après-crise sanitaire.

Le magazine et les hors-séries

Stratégies Logistique 205 - février / mars 2024

Stratégies Logistique n°205 est paru.

Supplément immobilier / SIMI 2023

Téléchargez ou feuilletez ce hors-série consacré au salon SIMI qui s’est tenu à Paris du 12 au 14 décembre 2023.

Cliquez ici pour télécharger ce hors-série.

Hors-série n° 23 - Eco Class Logistics

Téléchargez ce hors-série consacré à l’événement Eco Class Logistics, qui s’est tenu à Paris le 28 septembre 2023.

Cliquez ici pour télécharger ce hors-série.